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Les logiques de l’industrialisme selon Ivan Illich

Silvia Grünig

Chapitres

Dès les années 1970 Illich a mis en question un certain mode de production: l’industrialisme. Tout au long de son oeuvre il a décrit avec acuité ses logiques et ses conséquences ainsi que les dynamiques qui le sous-tendent et des voies pour en sortir - depuis la contreproductivité des outils et des institutions jusqu`à ses manifestations à l’ère des systèmes.

I - Introduction

En 1973, dans la présentation du numéro 7-8 de la revue Esprit intitulée “Avancer avec Illich”[1], les éditeurs J.-M. Domenach et P.Thibaut mettent en évidence que, au-delà de la dichotomie idéologique entre propriété privée et propriété publique des moyens de production qui centrait le débat à l’époque, Illich mettait en question un certain mode de production : l’industrialisme.

Les éditeurs poursuivent : « L2es textes que nous publions dans ce numéro sont des essais pour avancer avec Illich, de redéfinir, en rapport avec sa pensée, une action politique. »(p.3). Presque 40 ans après, la convocation du colloque “Sortir de l’Industrialisme” que l’association La ligne d’horizon-Les amis de François Partant prépare pour novembre 2011, met en évidence que, malgré tous les changements contextuels, nous nous trouvons, plus ou moins, au même point.

Ivan Illich a décrit avec acuité tout au long de son oeuvre les dynamiques de l’industrialisme et ses conséquences. En 1978, lors de sa visite à la chaumière de Gandhi à Bapu, il affirmait :

J'en suis venu à la conclusion que l'on se trompe en voyant dans la civilisation industrielle une voie menant à l'épanouissement de l'être humain.[2]

II - La contreproductivité des outils et des institutions, les professions mutilantes et les monopoles radicaux

Les aspects les plus connus de l’oeuvre d’Illich sont ceux qui correspondent à l’étape qu’il a lui-même appelée « pamphlétaire »[3] :

Un premier aspect est la domination par le moyen de la technique[4] qui, au-delà d’un certain seuil, rend les outils et les institutions contreproductives. Ils deviennent une fin en eux-mêmes, si bien que leurs effets sont les contraires de ceux qu’ils sont supposés assurer. Ainsi, l’éducation obligatoire renforce les hiérarchies sociales, les transports paralysent la circulation et créent une classe de « capitalistes de la vitesse »[5], le système médical, créateur de dépendance et de vulnérabilité, nuit à la santé.[6]

Entre deux seuils, celui de l’inefficacité et celui de la contreproductivité, chaque communauté devrait, selon Illich, être capable de déterminer une « plage de la convivialité » dans laquelle les outils qu’elle emploie et les institutions qu’elle se donne, soient radicalement maîtrisés par les gens.

Le deuxième aspect, fortement rattaché à la notion de contreproductivité, est le rôle des « professions mutilantes » et « les monopoles radicaux ». Illich emploie le mot disabling[7] pour les professions et les institutions dont le monopole bloque les capacités vernaculaires[8] des gens ordinaires, en sapant leur autonomie.

Passé un certain seuil, l'outil, de serviteur, devient despote. Passé un certain seuil, la société devient une école, un hôpital, une prison. Alors commence le grand enfermement. [9]

III - L’ère des systèmes

Dans les années 1980, Illich repère le passage d’un nouveau seuil, un « partage des eaux », une « fracture historique » : la fin de l’ « âge de l’instrumentalité » initié avec la naissance de la « distalité »[10] au XII siècle, et la naissance de « l’ère des systèmes » qui,

intègrent l'usager dans les processus sans qu'il y ait aucune distinction entre les uns et les autres.[11]

En historien qu’il était, Illich nous rappelle constamment que tout ce qui a eu un commencement peut avoir une fin et, tout en refusant les projections des sociologues, qu’il qualifie d’utopistes, il choisit de s’éloigner dans le temps pour regarder l’étrangeté de notre époque, très notamment :

  • L’extension de la logique industrielle fondée sur les principes de croissance, concurrence, productivité, rentabilité, efficacité, à tous les domaines de la vie humaine[12] .
  • Le monopole du mode hétéronome de production et la violence contre toute autonomie, contre tout mode vernaculaire.
  • L’universalisation d’une certaine définition de notions comme économie, besoin, santé, progrès, paix, développement qui auront désormais un sens unique, expression d’une pensée unique.

Le processus commença avec les pertes des communaux et apparaît désormais achevé avec la transformation des individus en éléments abstraits d'une stase mathématique.[13]

La gouvernance naît comme une gestion de profils suivant des protocoles. Les experts mutilants deviennent des médiateurs dans des processus de prise de décisions (decision making) fondés sur des systèmes d’information et sur des processus d’analyse de systèmes, auxquels, en raison de leur propre nature, aucune éthique n’est appliquable[14].

Dans ce contexte, la notion de contreproductivité n’est pas dépassée, mais elle perd de son poids pour Illich : nous pourrions même supposer que les inefficacités qui perdurent sont désormais productives au système!.

C’ est le cas des transports, par exemple, lorsque

un véhicule surpuissant […] engendre lui-même la distance qui aliène[15]

et qu’ il a été démontré que les grandes nuisances -les accidents, les grands sinistres, voire la guerre- augmentent le PNB[16] des nations.

Or, à mon avis, le concept de contreproductivité des outils et des institutions reste pleinement valable non pas par rapport au système à l’ « ère des systèmes », mais par rapport aux certitudes des seuls qui sont en mesure de produire un vrai changement (en cela Illich et François Partant se rejoignent) : les gens ordinaires.

IV - Les logiques de l’industrialisme à l’ère des systèmes

Nous apprendre à détecter les logiques et les manifestations de l'industrialisme à l’ère des systèmes, faire le point sur les différentes dynamiques qui le sous-tendent, ses conséquences et surtout explorer des voies pour en sortir sous un point de vue illichéen sont les objectifs de la deuxième partie de cet article.

Les principales logiques qui se détachent de l’analyse du mode de « production intégrée » selon Illich sont :

1- La logique léviathanesque[17], qui suppose que l’état de nature de l’homme c’est la guerre ; qui favorise les agglomérations monstrueuses, la pax oeconomica fondée sur les échanges, le monopole radical des institutions systémiques, de l’administration hypertrophiée qui les gère et qui les régule et la violence, qu’elle soit militaire ou économique, qui les impose et les maintient.

2- Le productivisme et la logique spéculative qui entraîne le conflit entre valeurs vernaculaires et valeurs économiques, entre valeurs d’usage et valeurs d’échange, le triomphe de la rareté comme une certitude moderne et donc la soumission à la science économique. Logique concurrentielle, logique de la croissance et de l’accumulation, qui aggrave la misère en modernisant la pauvreté[18].

L’industrie configure l’espace social aussi bien dans l’habitat que dans le travail, les transports, les loisirs, les relations sociales. Son expression la plus poussée est la destruction des communaux (commons) : ces espaces limités, concentriques, genrés et régis par la coutume, l’inverse d’une ressource économique, dont la destruction représente un changement majeur, d'ordre économique certainement, mais surtout l'institution d' un nouvel ordre écologique : la considération de l'environnement comme une ressource productive, et par conséquent rare; « la forme plus fondamentale de dégradation qu'il puisse subir »[19].

3- La dynamique délégation-expropriation-impuissance programmée qui se déclenche à partir du dépassement de certains seuils[20].

La délégation dans les institutions, pour Illich un avatar du christianisme[21], devient une condition structurelle à l’ère des systèmes. Elle ouvre de manière très naturelle la voie à la délégation des choix et des comportements individuels et sociaux dans les institutions manipulatrices et monopoliques, dans les experts et la norme rassurante. L' efficacité est sanctionnée par des spécialistes, qui déterminent nos besoins, nos choix et nos comportements en fonction des besoins du système et dans lesquels il fait bon déléguer. Et de là à la perte de l’amitié, de l’autonomie et de la maîtrise de son milieu et à la boulimie normative qui nous hante[22].

Plus on dresse un citoyen à la consommation des biens et des services si parfaitement conditionnés, moins il semble capable de dominer le milieu où il vit.[23]

Voués à l’assujettissement systémique[24], j’oserais formuler que nous sommes devenus des Homo systematicuspour des Systèmes nécessiteux!

4- La logique du déplacement envers des « concrétudes mal placées »[25]

Déplacement dans le sujet, de la personne vers le profil, les séries statistiques et les stases mathématiques, que résume la critique qu’Illich fait dans ses dernières années de la notion de « une vie ».
Déplacement dans l'objet vers l'inessentiel, l'accessoire, le superflu, l’inutile, le simulacre, l’imposture, le leurre[26].
Déplacement dans les moyens, avec le primat de la technologie et de la science, notamment de la dite science économique.
Déplacement dans le temps, vers l’illusion d’un futur équitable[27] qui mérite tous les efforts. Dans son dialogue avec David Cayley, Illich s’écriait :

Au diable l’avenir: les hommes n’ont qu’un espoir ![28]

Déplacement vers les espaces de la virtualité et l’homogénéisation désincatrices qu’Illich analyse notamment dans son ouvrage La perte des sens.
Déplacement dans le domaine du politique vers les mots plastiques[29] et le show[30] qui cachent l’expropriation de la souveraineté du peuple et le monopole de l’hétéronomie.
Déplacement vers une éthique des valeurs qui détruit la notion de bien[31], le concept de valeur appartenant de plein droit à la sphère de l’Homo oeconomicus , de l’ Homo miserabilis, de celui qui a fait le passage du lot commun aux ressources dont on fait des valeurs, le protagoniste de la rareté.[32]

Déplacements qui sont à l’origine de la mythologie du progrès et de l’utopie du développement. Illich fait la critique de la notion de besoin à l’origine du développement et analyse sa (fausse) relation (déplacée) - avec les droits de l’homme, la justice, l’équité, voire la paix.

Les programmes de développement conduisent le monde entier à connaître la violence, qu'elle prenne la forme de la répression ou de la rébellion.[33]

Déplacement radical enfin, celui de l’abandon de la matrice humaine pour la pleine assomption d’une matrice économique qui nous amène, avec François de Ravignan[34] à « ... nous interroger sur la fin - en tant que finalité des processus économiques mis en oeuvre [...] à savoir essentiellement la reproduction du capital financier, et la négation de ce que devrait être les finalités réelles de la société ».

5- Le déclin du sens de la proportionnalité, la juste mesure, le bon sens, le tonos des Grecs. Le cosmos disparaît et la réalité explose en sphères autonomes. Dans ce contexte les limites de la réalité cessent de constituer une protection mais deviennent au contraire une provocation et un défi : l’éthique du challenge, un ethos pour lequel des antécédents sont en fait difficiles à retrouver dans les sociétés pré-modernes[35].

La notion de proportionnalité, de ce qui est approprié ou qui convient à un certain endroit, de la forme assortie à la taille, de l'ethos et le sens commun, conduit directement à réfléchir au beau et au bien, à une quête de vérité qui fait que les décisions reposent sur des conditions morales , non pas économiques.[36]

Inadaptation de l’homme à son environnement, urbanisation déchaînée[37], perte de l’autonomie et la capacité politiques, gaspillage et inéquités, surproduction, logique des externalités, transformation des bénédictions vernaculaires en privilège de riches[38], pauvreté modernisée et finalement glissement vers la misère pour une grande partie de l’humanité[39] : la démesure -hybris-, et finalement Némésis[40].

6 -Assujettissement systémique, désincarnation et “perte des sens”.

L'existence dans notre société qui se veut système, met hors jeu les sens par les engins fabriqués pour leur extension, nous empêche de toucher ou d'incorporer le réel et, en plus nous intègre dans ce système.
[...]

C'est cette radicale subversion de la sensation qui humilie[41] et puis remplace la perception. [42]

Le postmodernisme est incroyablement désincarnateur.[43]

La déclaration de la fin des récits par les théoriciens de la postmodernité[44] comme la logique binaire de l’ordinateur soutiennent des déterminismes technologiques systémiques, génétiques, économiques et par conséquent la logique de l’inéluctabilité des processus historiques, donc la « fin de l'Histoire »
Logique binaire de l’ordinateur[45]qui, d’ailleurs, s’adapte parfaitement à la « symétrie conceptuelle de tout ici et de tout là-bas et la négation de tout au-delà » dont Jean Robert nous parle, comme « le point de vue immatériel de l’écran » est le plus apte à saisir cet « espace homogène, isotrope et universel » dans lequel « tous les emplacements sont réversibles »[46]. L’ « espace homogène des biens de consommation »[47] et la virtualité de l’écran remplacent, toujours suivant Jean Robert, les « lieux » vernaculaires de l’autonomie, la conspiratio[48] et lapax populi[49].
Logique postmoderne de la plasticité des mots qui balaient les résistances de la réalité à l'arrogance des planificateurs[50] en désincarnant la réalité : des notions abstraites sont transformées en « images trompeuses de l’œil »[51]. Dans notre époque scopique le show remplace l’image.

D’une toute autre nature que les techniques de reconstruction mimétiques du cinéma, de la télévision ou de la photographie, les nouvelles techniques optiques -« la conception et l'animation assistées par ordinateur, l'holographie en images de synthèse, les simulateurs de vol »- détachent, désincarnent l’image de la réalité de façon à ce que la « vision se retrouve située dans un univers coupé de l'observateur humain ».[52]

L'hypertexte et la réalité virtuelle attirent des spectateurs vers des « shows »

[...]

Dans la quatrième époque scopique, la nôtre, regarder (to view), c'est prendre part au « show ».[53]

Nous menace l'émergence d'une époque qui prend le « show » pour l'image.[54]

La logique de la fragmentation des espaces et de temps, les effets désincarnateurs de la omni-médiation technologique, de la vitesse, de certaines substances[55], de certaines musiques[56], le culte du nouveau, entravent la continuité du logos et la capacité critique et se traduisent en aliénation, en rupture de toute continuité historique vécue, en perte des savoirs vernaculaires[57], en désincarnation du corps vécu.

Actuellement un confondant mélange de technologie avancée et de phytothérapie, de biotechnique et d’autoprise en charge est à l’œuvre pour créer la réalité vécue, y compris celle du corps […] de mon corps, le corps que j’ai […]de « mon système »[58].

L’imaginaire dominant du binôme sécurité-vulnérabilité fondé sur la prémisse de la méfiance[59] détruit toute confiance et toute autonomie, renforçant les processus de délégation la mentalité d’homologation, l’impuissance programmée.

La surproduction industrielle [des services] [...] a des effets seconds aussi catastrophiques et destructeurs [pour la culture[60] que la surproduction d'un bien [pour la nature] [61]

Au stade avancé de la production de masse, une société produit sa propre destruction. La nature est dénaturée. L'homme déraciné, castré dans sa créativité, est verrouillé dans sa capsule individuelle. La collectivité est régie par le jeu combine d'une polarisation exacerbée et d'une spécialisation à outrance. […] [l'] accélération du changement ruine le recours au précédent comme guide de l'action. [...] Le monopole du mode industriel de production fait des hommes la matière première que travaille l'outil. Et cela n'est plus supportable.[62]

V - Réduction : reconduction.

La critique radicale et multidimensionnelle des systèmes, du développement, du progrès, de l’état prévoyance, des besoins culturellement produits entamée par Illich nourrit avec une richesse inouïe la pensée sur une autre manière de vivre ensemble : l’après-développement[63] nécessaire.

[...] faire face aux réalités plutôt que de se laisser prendre à des illusions (à vivre un changement plutôt que de faire confiance à la technique)[...] Un défi nous est lancé: il convient d’abattre les systèmes qui ont fait leur temps, qui érigent une barrière entre ceux qui ont trop de privilèges et ceux qui n’en ont pas assez.[64]

Aristote établit déjà la différence entre fabriquer et agir. La technologie fournit à l'homme autant de temps qu'il le souhaite, qu'il utilisera à fabriquer (poiêsis) ou à faire-agir (praxis) […] L'homme postindustriel doit[ ...] choisir.

[...]

Ainsi, tandis que notre société contemporaine est emportée dans un mouvement où toutes les institutions tendent à devenir une seule « bureaucratie » postindustrielle il nous faudrait nous orienter vers un avenir que j'appellerais volontiers convivial, dans lequel l'intensité de l'action[65] l'emporterait sur la production.[66]

Un avenir convivial signifie pour Illich énoncer de manière politiquement efficace le recouvrement de la variété vernaculaire face aux prémisses homogénéisantes de la rareté systémique. Selon Illich, la paix, comme la démocratie et le bien-être, ne peuvent se récupérer qu'au travers d'une renonciation au pouvoir, une reductio.[67]

Jean Robert[68] explique comment d’Aristote à Thomas d’Aquin, l’analogie entre des domaines dispareils était l’essence même de toutes les choses[69] permettant de s’élever graduellement des choses terrestres aux hiérarchies célestes, et dans un mouvement inverse (anagogie, double conduction ou reconduction : reductio) qui est celui de la lumière, redescendre du ciel à la terre.

Lorsque Illich affirme qu’ « une réduction de l’économie est non une simple nécessité négative mais une condition positive d'une meilleure existence »[70] ; quand il parle de la nécessité de la « réduction du mode hétéronome en faveur du mode autonome »[71], d’une « réduction substantielle de l’output global de l’entreprise médicale [qui seule]peut permettre aux hommes de retrouver leur autonomie et par là leur santé »[72] , ou bien d’une réduction de la pression sur l’environnement, il ne parle pas seulement d’une réduction dans le sens quantitatif que nous donnons à ce terme à l’époque moderne (nécessaire, certainement, mais pas suffisante[73]) mais d’une reconduction anagogique dans le sens que lui donne Jean Robert.

Résumons les conditions d’une telle réduction sous un regard illichéen, un regard qui implique :

1 - Un cadre institutionnel d’une nature toute différente[74]. Car Illich[75] n’est pas contre les institutions :

Préciser que la réduction du mode hétéronome en faveur du mode autonome n’est pas une pure désinstitutionnalisation.[ ...] requièrent l’une comme l’autre un cadre institutionnel, bien que de nature fort opposée,[76]

pour récupérer ce « mode vernaculaire de comportement et d'action qui s’ étend à tous les aspects de la vie »[77]

2 -Une structure conviviale des outils et des institutions qui conjugue la “[s]urvie dans l’ équité comme valeur fondamentale[78] et l’autonomie créatrice de l’homme[79] capable de définir ses buts de manière autonome et créatrice, de maximiser sa puissance, de façonner son monde et de laisser des traces.

Entre l’homme et le monde,[l’outil convivial] est conducteur de sens, traducteur d’intentionnalité.[80]

L’outil convivial fuit le mirage technogène d’un outil qui remplace l’homme et qui travaille à sa place, car celui-ci annule radicalement les facultés créatrices de l’homme, l’asservit, le programme et de l’homme fait son esclave.

L’outil convivial est un outil juste, qui répond à trois exigences: il est générateur d’efficience sans dégrader l’autonomie personnelle, il ne suscite ni esclaves ni maîtres, et il élargit le rayon d’action personnel. [81]

J’appelle société conviviale une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil.[82]

La convivialité [est] l’inverse de la productivité industrielle.[83]

3 - Un «environnement nouveau dans lequel grandir pour connaître une société sans classes »[84], condition indispensable pour doter le concept de participation de son vrai sens et son plein contenu, démantelant les codes et les dispositifs qui l’ entravent, faisant disparaître le contrôle qu'exerce le secteur privé sur les

possibilités d'éducation contenues dans les "choses" pour parvenir à une conscience nouvelle de la propriété définie comme un bien véritablement public.[85]

Illich est clair :

Seule une révolution culturelle et institutionnelle qui redonne à l’homme le contrôle sur son milieu peut faire cesser la violence par laquelle une minorité impose le développement d’institutions conçues pour servir son propre intérêt.[86]

Cette révolution devrait à mon avis tourner autour du recouvrement des communaux.[87]

Recouvrer et faire grandir les communaux dans leur sens étendu, y compris ceux des savoirs et du rêve, du silence nécessaire à la parole et de la parole même; les communaux « entendus comme l’inverse d’une ressource économique » et définis librement par chaque communauté en fonction de sa propre éthique est à la base d’une redéfinition des institutions et de la propriété comme un bien public dans une société sans classes. C’est ce qu’Illich appelle “l’inversement des institutions”[88]

Si, suivant François Partant « on peut parfaitement concevoir qu’une véritable démocratie limite certains droits et certaines libertés », la notion de communaux pourrait être à la base de l’articulation des issues politiques permettant de définir les limites de tolérance admissibles à l’intérieur de chaque communauté, la cohérence des libertés et des limitations qu’une communauté est disposée à se donner.

Mais Illich attire l'attention sur l'urgence de l'action car

si les communaux peuvent exister sans police, les ressources ne le peuvent pas. […] Par définition les ressources doivent être défendues par une police. Une fois que cette défense leur est acquise, les recouvrer en tant que communaux devient de plus en plus difficile.[89]

4 - De « nouveaux rapports entre l'homme et ce qui l'entoure

[...] qui soient source d'éducation[90]

[...] qui assurent l'accès aux ressources, l'échange des connaissances et l'appariement des égaux[91]

car

C’est la liberté universelle de parole, de réunion, d’information, qui a vertu éducative[92]

5 - Sortir de la recherche institutionnalisée : mener des contre-projets et une contre-recherche ouverte et démocratique, non scientifique, fondée sur l’analogie, la métaphore, la poésie et éloignée de la pensée instrumentale et définie par chaque communauté de bas en haut[93].

6 - Sortir de l'économicisme : recouvrer une éthique.

Loin des valeurs économiques, retrouver le sensus communis, le bon et le beau

le bon sens celui qui permet à « chaque communauté, conçue comme un ethos, […] engager la discussion sur « ce qui devrait être permis et ce qui devrait être exclu »[94]

7 - Sortir de hybris : recouvrer la proportionnalité.

Nous sommes donc confrontés à une tâche délicate: retrouver quelque chose comme une oreille perdue, une sensibilité abandonnée.[95]

Une sensibilité qui fait que « les décisions reposent sur des conditions morales , non pas économiques »[96].. Car proportionnalité s’oppose à marchandisation., une subversion de la sagesse économique traditionnelle.[97]

À l’opposé du développement qui consiste à faire servir aux uns les recettes qui conviennent aux autres- et à la mondialisation homogénéisante, proportionnalité nous invite à reconstruire un ethos sur les bases du sens commun et de l'autonomie, ce qui nous éloigne de toute pensée unique.

Puisque sa vision d'une vie commune digne était fondée sur la « soumission communautaire à la règle de la nécessité à un endroit et à une époque donnés », « susceptible d’être réalisée parce que restant dans les limites, demeurant à portée » prônant « le renoncement à un regard en quête de chimères au-delà de l'horizon partagé » [98], proportionnalité s’oppose autant à démesure qu’ à utopie.

Loin de l’imposture des palliatifs dressés devant les crises qui, ne reposant pas sur un tonos, relèvent de « l’utilitarisme adaptatif,[…] une administration technique systémique ou […] des bavardages diplomatiques » [99], proportionnalité s’oppose à technocratie.

8 - Sortir du mythe prométhéen : la renaissance de l’homme épiméthéen[100].

Alfons Garrigós explique avec acuité comment dans l’affrontement entre les deux talents -prométhéen et épimétheen- Illich retrouve le thème de fond de l’arrogance de la société industrielle et des figures pour le péché d’hybris moderne[101] .

[…] L'homme contemporain […] s'efforce de créer le monde entier à son image […] puis il découvre que pour y parvenir il lui faut se refaire constamment, afin de s’ insérer dans sa propre création.

Et, de nos jours, nous voilà placés devant un fait inéluctable : l'enjeu de la partie, c'est la disparition de l'homme.[102]

L’ethos épiméthéen, de son côté, se reconnaît dans l’équité, et sa façon d’agir passe avant par le don que par la puissance. Cette autre face de l’intelligence qu’aujourd’hui nous avons du mal à percevoir, pratiquer, formuler, c’est celle de [pré]caution(du latin cavere, prendre soin). L’homme épiméthéen dirige son attention aux arts du soin. [103]

Il nous faudrait un nom pour ceux qui aiment la terre sur laquelle nous pouvons nous rencontrer […] et pour ceux qui aident leur frère Prométhée à allumer le feu et à forger le fer mais qui le font pour développer leur aptitude à soigner, à aider, à s'occuper d'autrui.[104]

9 - Sortir de la dynamique délégation / expropriation / impuissance programméeEinstein a affirmé que en temps de crise, il n’y a une chose plus importante que la connaissance : l’imagination. Sortir d’abord d'un cadre mental[105] qui nous empêche de voir le besoin et la faisabilité d’une régénération des liens sociaux.

L’imagination n’est pas la faculté de se former des images de la réalité mais plutôt de se former des images de l’invisible. C’est la faculté qui chante la réalité.[106]

Et l’exercice de cette faculté implique une reprise en mains du politique[107].

Un programme de rechange nous devient indispensable […] On pourrait le définir comme la révolution institutionnelle ou culturelle

parce qu'elle viserait à la transformation de la réalité, à la fois dans le domaine public et dans celui de la personne humaine.[108]

Illich compte pour ce faire sur « la structure formelle commune au procès de décision éthique, légale et politique » [109]. Il imagine « des contrats sociaux qui garantissent que la limitation et le contrôle des outils sociaux seront le fait d’un processus de participation et non d’un oracle d’experts » et « qui garantissent à chacun l’accès le plus large et le plus libre aux outils de la communauté, à la seule condition de ne pas léser l’égale liberté d’accès d’ autrui », dans le cadre des « idéaux socialistes de justice »[110]. Ceci implique renoncer [...] « à la surabondance et au surpouvoir »[111] et « á cette illusion qui substitue au souci du prochain, l’insupportable prétention d’organiser la vie aux antipodes »[112] à savoir, le développement.

10 - Sortir du développement : recouvrer la pax populi[113]

… ce n'était qu'en dé-liant la pax du développement que l'on pourrait révéler la gloire jusqu'ici insoupçonnée qui se cache dans cette pax.[114]

Par opposition à la guerre que représente le développement, la paix vernaculaire, la paix des peuples, peut être entendue comme une atmosphère qui caractérise un lieu unique, habité, vécu, radicalement opposé à l’ « espace homogène des biens de consommation ». Une paix qui s’enracine dans un milieu favorable aux activités de subsistance et d’échange non marchande, des lieux communs : les communaux. Mais aussi pour l’Illich pèlerin des dernières années, dans la conversation autour d’une table qui engendre sa propre aura, sa propre atmosphère. La « cura della conspirazione », la paix comme un soin attentif de l’esprit d’une communauté dans sa propre spécificité.

Cela implique la récupération d’une éthique. De ce qui est bon pour l’homme.

à condition d’une « confiance docile » [115] et d’un « renoncement au pouvoir »[116] ; en proie à la liberté et l’équité.

11 - Sortir du show : surveiller son regard.

Lorsque réalité, image et show se confondent, pour « survivre au milieu du « show »[117] Illich souhaite retrouver « les techniques d'une askêsis oculaire » liée non seulement à « l'acuité, mais aussi la qualité morale du regard »[118].

Nous invoquons ici le passé afin de vérifier la confiance dans la chair de nos sens. Les auteurs qui ont dernièrement traité de la prétendue inévitabilité des médias nous ont donné des raisons de réfléchir sur la possibilité et la nécessité d'une askêsis (discipline) du regard.[119]

C’est le philosophe Emmanuel Lévinas (1906-1995) qu’Illich cite pour retrouver des issues :

Lévinas fait du regard mutuel de deux personnes la source de l'existence personnelle. Il insiste sur l 'hésitation typiquement juive devant tout ce qui est iconique comme condition de l'interaction oculaire. Cette hésitation paraît être l'indispensable premier pas d'une éthique de l’autre. Une telle éthique pourrait être un antidote à l'affaiblissement de l'acuité visuelle par l'intégration oculaire dans les réalités virtuelles.[120]

Mon visage qui « vient à la vie par le visage de l’autre […] qui s’adresse toujours à moi de manière éthique »

«Ma subjectivité est au coeur de ce que je touche et trouve dans le visage de l'autre: « je » ne saurait être, si ce n'est comme un don dans le visage de l'autre et du visage de l'autre »[121].

12- Sortir de l’assujettissement systémique : recouvrer une ascèse.

Pleinement conscient de l’empiètement de la logique des systèmes sur la vie des hommes, Illich prône la recherche d’une vertu d’ascèse (askêsis) « une sobria ebrietas, la juste mesure du plaisir », sur laquelle fonder l’amitié (philia), cette « amitié austère qui nourrit toute quête éclairée de la vérité »[122] la relation entre ascèse et amitié étant pour Illich, vers la fin de sa vie, à la base de l’action pour un avenir convivial.

[...] je plaide pour une renaissance des pratiques ascétiques pour maintenir vivants nos sens, dans les terres dévastées par le “show”, au milieu des informations écrasantes, des conseils à perpétuité, du diagnostic intensif, de la gestion thérapeutique, de l’invasion des conseillers, des soins terminaux, de la vitesse qui coupe le souffle.[123]

Aujourd’hui plus que jamais la naissance d’une quête éclairée de la vérité est nourrie par une amitié austère plutôt que pardes systèmes.[124]

Comme la notion de convivialité, la notion d’ascèse est kaléidoscopique pour Illich. Par ascèse Illich entend en même temps:

... la fuite délibérée de la consommation quand elle prend la place de l’action conviviale.[125]

…la reconquête disciplinée de la pratique sensuelle dans une société de mirages technogènes[126].

…une sobria ebrietas, la juste mesure du plaisir

Thierry Paquot l’explique bien dans l’introduction des Œuvres Complètes :

La seule leçon qu’Illich accepterait... d’offrir est son attitude devant la douleur, la sienne et celle du monde, ce qu’il appelle le ‘renoncement’, l'askêsis - cet accord entier avec soi-même sans intervention d’un quelconque ‘outil’ qui nous rendrait étrangers à nous mêmes. Askêsis, que l’on traduit en français par ‘ascèse’ signifie certes ‘austérité’ mais désigne aussi, chez Homère, le travail de l’artisan, et, chez Thucydide, l'exercice, en particulier physique. Un tel mot invite à une conduite à la fois morale et intellectuelle que l’on ne subordonne pas obligatoirement, à l’instar de Philon d’Alexandrie, à la sotériologie, mais qui provoque la joie, l'étonnement, la surprise. [127]

VI - Conclusion

De la construction d’un avenir convivial et éthique par l’inversement des institutions et le recouvrement des communaux dans un sens étendu, jusqu`à la quête de la vérité dans un cadre d’amitié austère où vivre la surprise de l’expérience du visage et de la chair de l’Autre, (ascèse que vivent et recherchent encore aujourd’hui ses disciples, ceux qui l’ont connu, ceux qui l’ont suivi), un éventail de gestes et d’attitudes d’espérance d’une richesse inouïe se déploie dans les textes, s’offrant au lecteur d’Illich prêts à nourrir la naissance d’une alternative à l’industrialisme hégémonique à l’ère des systèmes.

Parmi les lecteurs des premiers temps, François Partant, qui en 1982 dans son ouvrage « La fin du développement. Naissance d’une alternative ? »[128] reprend l’analyse illichéenne du concept de « production intégrée » et ses conséquences[129] et cite Illich comme l’inspirateur d’un courant de pensée qui, « a commencé à mettre en doute le caractère bénéfique de l’évolution technico-économique, en soulignant ses aspects négatifs et en s’interrogeant sur la valeur sociale des progrès accomplis »[130].

Partant reconnaît aussi à Illich son « utile réflexion sur l’autonomie individuelle » et la possibilité de « concevoir une autre organisation politique, économique et sociale, grâce à laquelle les individus n’auraient plus à attendre du pouvoir ce qu’ils peuvent faire par eux-mêmes » [131].

Mais revenons à l’industrialisme. Dans le même ouvrage François Partant se demande :

Un autre mode de production est-il concevable ?... il faudrait que s’établissent d’autres rapports sociaux et d’autres rapports entre sociétés.[...] Produire autrement d’autres valeurs d’usage, dans un monde éclaté où chaque société redéfinit ses besoins en fonction de son milieu et de sa culture propres, c’est là aujourd’hui une simple vue de l’esprit. Mais cela peut aussi apparaître, demain, comme la seule politique de “sortie de crise”.[132]

Et si c’était aujourd’hui, demain ?

Notes

[1] Ce numéro d'Esprit a été publié juste après la parution de "Tools for conviviality" chez Harpers & Row. En 1973, après plusieurs réélaborations et publications préliminaires suivies de débats dans des symposiums et à la revue Esprit, Harper& Row publie sous le titre Tools for Conviviality les travaux entrepris par Ivan Illich avec Valentina Borremans depuis la fin des années 1960. Cet ouvrage a été ensuite réélaboré en français pour être publié par les Editions du Seuil comme La convivialité (1973) ; il peut être considéré la source première de la vision illichéenne de la technique.
[2] Illich, I. (1978) Le message de la chaumière de Bapu. Dans Oeuvres Complètes. Volume II, Paris, Fayard, 2005, p. 769.
[3] Peirastique, selon son ami Jean Robert, qui affirme: " Le philosophe Martin Fortier a raison quand il qualifie cette méthode de peirastique (du grec peiraô, j'essaye de persuader, étymologiquement lié à peitho, la persuasion). La méthode peirastique ressemble à la démonstration par l'absurde en mathématiques: si j'accepte tes prémisses et en tire toutes les déductions logiques, il se peut que j'obtienne un résultat absurde, opposé à tes propres prémisses " Méthode destinée à convaincre par la démonstration des effets des phénomènes, les ouvrages les plus connus de cette époque sont Libérer l'avenir, Paris, Le Seuil, 1971 ; Une Société sans école, Paris, Le Seuil, 1971, Énergie et équité, Paris, Le Seuil, 1973 ; La Convivialité, Paris, Le Seuil, 1973 ; Némésis médicale, Paris, Le Seuil, 1975 ; Le Chômage créateur, Paris, Le Seuil, 1977. Tous ces ouvrages sont inclus dans les Oeuvres Complètes publiées chez Fayard en 2004 et 2005.
[4] Disciple de Jacques Ellul, son " Maître Jacques ", son approche de la technique est impregnée de notions elluliennes. À lire : Ellul, J. (1954) La technique ou l'enjeu du siècle. Paris: Armand Colin, 1954. Paris, Arman Colin. Illich, I. (1993) Hommage d'Ivan Illich à Jacques Ellul. Dans La perte des sens, Paris : Fayard, 2004.
[5] Illich, I.(1973) Énergie et équité. Dans Oeuvres Complètes. Volume I. Paris, Fayard, (p. 401).
[6] Pour approfondir dans la notion de "contreproductivité", lire notamment Illich,I. La convivialité (Op. cit.)
[7] Invalidantes.
[8] Pour approfondir dans le concept de "vernaculaire", lire Illich, I. (1983) Le genre vernaculaire, Paris, Le Seuil, 1983.
[9] Ilich I. (1973) La convivialité. (Op.cit. p.13) Le "grand enfermement" illichéen se retrouve dans la notion d' "emprisonnement social" qui, selon François Partant, se produit quand l'État fait fonctionner ses multiples institutions fortement hiérarchisées pour organiser la société en fonction des besoins du mode de production capitaliste assurant en même temps une reproduction élargie du Capital, la reproduction élargie de l'État et la reproduction simple d'une société "merveilleusement organisée puisque tout le monde y exploite tout le monde" (Partant, F. (1978) Que la crise s'aggrave !, Paris, Parangon, 2002 (réed.) (p. 59-60).
[10] C'est-à-dire la séparation conceptuelle, la distinction entre la main et le marteau, que dans la tradition grecque et jusqu'au XIIè. siècle étaient une seule chose: organon. Illich, I. et Cayley, D. La corruption du meilleur engendre le pire. Arles, Actes Sud, 2007 (p. 272)
[11] Illich, I. et Cayley, D. La corruption du meilleur engendre le pire. (Op. cit. p. 214) L'espoir qu'Ellul gardait sur le caractère régulateur de l'informatique par rapport à la société technicienne, s'est évaporé. (Voir Ellul, J. et Vanderburt, W. (2008) Ellul par lui même. Entretiens avec W.H. Vanderburt. Ed. Table Ronde. Qu'illustre par exemple à un niveau très élémentaire le rôle de l'usager des systèmes d'attention téléphonique automatique.
[12] Dans son petit manifeste Peut-on sortir de la folle concurrence? Ingmar Granstedt (2006) décrit le piège de la recherche de la productivité à tout prix et de la compétitivité globale "brutale et sans fin"; la "violence blanche" de l'économie concurrentielle qui constitue par sa propre essence une dynamique non maîtrisable qui tend à envahir la totalité du cadre de la vie sociale. Peut-on sortir de la folle concurrence ? Manifeste à l'intention de ceux qui en ont assez !, Paris, La Ligne d'Horizon éd., 2006.
[13] Illich, I. (1988) L'histoire des besoins. Dans La perte des sens. (Op. cit. p. 77)
[14] Miguel Amoros affirme que la modernité capitaliste "produit à la fois l'insupportable et les hommes capables de le supporter". Amoros, M. (1998) Où en sommes-nous? Pour servir à éclaircir quelques aspects de la pratique critique en ces temps malades. Cité dans Michéa J.C. (2002) Impasse Adam Smith. Flammarion, 2006 (p.54)
[15] Illich, I. (1973) Energie et équité. Dans Oeuvres Complètes, Volume I, Paris, Fayard, 2005 (p.410).
[16] Le PNB, Produit National Brut, est le barème de mesure de la richesse d'une nation dans le système hégémonique.
[17] Hobbes, T. (1651). Léviathan. ODI http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.hot.lev
[18] Voir Rahnema, M. Quand la misère chasse la pauvreté, Paris, Fayard/ Arles, Actes Sud, 2003 (réédité en poche)
[19] Illich, I. Le silence fait partie des communaux. Dans Oeuvres Complètes Volume II (Op.cit. p.754)
[20] Le concept de seuil dans sa double acception physique et symbolique est très apprécié d'Illich. Le seuil est le lieu du partage des eaux et le haut-lieu de l'hospitalité. Que sont devenues les seuils de nos villes, les aéroports, les gares, sinon des endroits d'expropriation de la dignité des voyageurs -pourtant consentants- moyennant des protocoles de transport, d'administration et de sécurité?
[21] Cette corruptio optima quae est pessima autour de laquelle tourne son dernier livre The Rivers North of the Future (traduction française Illich,I. et Cayley, D. La corruption du meilleur engendre le pire. Arles, Actes Sud, 2007). Dans La perte des sens (op. cit. p.10) Illich s'écrie : " ...comment pourrai-je reconnaître [ ..] puis accepter que[...]plus de la moitié de la production économique totale classée dans la catégorie des ‘services' doive son existence à l'idée que les actes de miséricorde chrétienne peuvent être ‘produits' "?
[22] Voir l'article de l'auteur Peut-on sortir de la boulimie normative? publié en français dans le Bulletin de La ligne d'horizon Nº 41. Dans le contexte de l'industrialisme et au-delà d'un deuxième seuil, la norme serait contreproductive puisque devenue une fin en elle-même, et contreproductive à un deuxième degré du moment qu'elle contraint à l'utilisation des institutions contreproductives (p.ex. les transports).
[23] Illich, I.(1971) Libérer l'avenir. Dans Oeuvres Complètes. Volume I. (Op.cit. pp.175-176)
[24] Le mot est de Jean Robert
[25] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La perte des sens (Op.cit. p. 235)
[26] Le mot est de Silvia Pérez-Vitoria, communication personnelle.
[27] Que sont sinon les Objectifs du Millenium des Nations Unies?
[28] Illich, I. et Cayley, D. La corruption du meilleur... (Op. cit.)
[29] Qu'Illich prend de Uwe Pörksen. PÖRKSEN, U. Plastic worlds. The Tyrannie of a Modular Language. The Pennsilvania State University Press (1995). Notamment ces mots passe-partout qui font partie du langage de la correction politique.
[30] Rappelons ici la phrase d'Ellul:"Si l'homme n'est pas dans sa parole c'est du bruit" (Ellul , J. dans Jacques Ellul, l'homme entier - film de Serge Steyer).
[31] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La Perte des Sens (Op.cit. p. 255)
[32] Illich, I. La Perte des Sens (Op. cit. p. 73)
[33] Illich, I. (1971) Libérer l'avenir. Dans Oeuvres Complètes. Volume II. (Op. cit. p. 92). Voir aussi Partant, F. (1982) La fin du développement. Naissance d'une alternative? Arles, Actes Sud, 1997 (réédition)
[34] de Ravignan, F. Préface à Partant, F. (1982) La fin du développement. Naissance d'une alternative? (Op. cit. p.9)
[35] Garrigós, A. L'éthique du challenge. Dans Hoinacki, L.et Mitcham, C. Ed. The Challenges of Ivan Illich. State University of New York Press, 2002 (p.122)
[36] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 237)
[37] Pour la critique du mythe de la fin de la paysannerie et la dérive du monde vers une " société urbaine de services " lire " Les paysans sont de retour " et " La riposte des paysans " de Silvia Pérez-Vitoria,
[38] Par exemple, tandis que le prestige du mouvement " slow " est associé dans l'imaginaire dominant à une qualité de vie et à un tourisme de haut niveau , les rythmes lents prédominants dans un village rural quelconque sont souvent attribués à la paresse et le manque d'initiative et de compétitivité de ses habitants.
[39] Rahnema, M. Quand la misère chasse la pauvreté, (Op. cit.)
[40] Némésis dite aussi Adrastée, est la déesse chargée de punir les outrages, les violences, l'orgueil, les crimes des mortels. Pour approfondir dans le concept lire Illich, I.(1975) Némésis Médicale Dans Oeuvres Complètes. Volume I. (Op. cit.)
[41] Dans son hommage a Ellul, Illich fait référence à la notion ellulienne de " parole humiliée ".
[42] Illich, I. (1993) Hommage d'Ivan Illich à Jacques Ellul. Dans La perte des sens. (Op.cit. pp. 159-160)
[43] Illich, I. Le partage des eaux. Dans La corruption du meilleur engendre le pire. (Op. cit. p. 299)
[44] Lyotard, et autres.
[45] La logique binaire de l'ordinateur sous-tend entre autres les conceptions dichotomiques de inclusion/exclusion, gagnants/perdants, Oui/Non/NSNR, développement/sous-développement, etc. ainsi que la justification du droit au " rouleau démocratique " de la " moitié + 1 ".
[46] Robert, J. Del aquí, del allá, de un poodle y del sentido de la proporción en arquitectura. www.pudel.uni-bremen.de/pdf/ANAGOGIA.pdf
[47] Illich, I. (1984) L'art d'habiter. Dans Dans le miroir du passé (Oeuvres Complètes Volume II (Op.cit. p.764)
[48] Voir Illich, I.(1998) La culture de la conspiration. Dans La perte des sens (Op. cit.)
[49] Voir Illich, I. (1980) Pour un découplage de la paix et du développement. Dans Dans le miroir du passé . Oeuvres Complètes Volume II (Op.cit.)
[50] Pörksen, U. Plastic worlds. The Tyrannie of a Modular Language. (Op. cit.) Notamment en ce qui concerne la plasticité du droit, le marketing et la novlangue.
[51] Illich, I. (1993) Surveiller son regard à l'âge du "show". Dans La perte des sens. (Op. cit. pp.230-231)
[52] Illich, I. (1995) Passé scopique et ethique du regard- Dans La perte des sens (Op.cit. p. 318)
[53] Illich, I. (1993) Surveiller son regard à l'âge du "show". Dans La perte des sens. (Op. cit. p.187 ?)
[54] Illich, I. Ib. (p. 231)
[55] Je pense notamment aux drogues consommées habituellement dans un but de dopage, comme la cocaïne.
[56] Voir Anders, G. (1956) L'Obsolescence de l'Homme. Sur l'âme à l'époque de la deuxième révolution industrielle, Paris, Encyclopédie des nuisances-Ivréa, 2002. Si Anders analyse "le jazz comme culte industriel de Dionysos" (p.103), que dirait-il de la musique-machine?
[57] La perte des savoirs vernaculaires pour la vie quotidienne est étudiée par Daniel Cérézuelle et le Pades (http://www.padesautoproduction.net/)
[58] Illich, I. (Op.cit. p.934). Illich rejette la perception du corps comme un système à gérer. Les recherches sur l'historicité du corps et sur l'autoception du corps à l'ère des systèmes ont été poursuivies après la mort d'Illich par ses amies et collaboratrices Barbara Duden et Silja Sammerski.
[59] Le mot est de Laèrcio Meirelles (www.centroecologico.org.br)
[60] Dans une interview parue dans The Florentine 22/05/2007 (www.theflorentine.it/articles/article-view.asp?issuetocId=1589) Gianozzo Pucci parle de "cultural illness".
[61] Illich, I. La convivialité. (Op.cit. p.10) C'est sur ce dernier point que, vers la fin de sa vie, Illich développera sa thèse de la corruption du meilleur qui engendre le pire.
[62] Illich, I. Ib. (p.11)
[63] Voir La ligne d'horizon-Les amis de François Partant (www.lalignedhorizon.net)
[64] Illich, I. (1971) Libérer l'avenir. Dans Oeuvres Complètes. Volume I. (Op. cit. p.48).
[65] Dans l'interview cité plus haut, Giannozzo Pucci nous invite à "drop into society" ("plonger" dans la société) pour y appliquer nos passions et nos talents.
[66] Illich, I. (1971) Une société sans école. Dans Oeuvres Complètes. Volume I (Op.cit. p. 287)
[67] Voir l'introduction de David Cayley dans Illich I. et Cayley D. La corruption du meilleur engendre le pire. (Op.cit. p. 68). Comme prêtre chrétien Illich consacra une bonne part de ses efforts à persuader l'Église dans les années 1960 que " recourir aux Evangiles pour conforter un système social ou politique est un blasphème " (p.29). La croix, pour Illich symbolise la renonciation au pouvoir. (p.30) La vie et la mort du Christ représentent le suprême refus de jouer l'éternelle surenchère dans la puissance.
[68] Robert, J. Del aquí, del allá ... (Op. cit.)
[69] Analogies de proportionnalité de la scolastique tardive
[70] Illich, I. (1983) Le Genre vernaculaire. Dans Oeuvres Complètes. Volume II. (Op.cit. p. 355) Et si c'est ainsi, citant François Partant, "Que la crise s'aggrave!" Et si c'est ainsi, citant François Partant, "Que la crise s'aggrave!"
[71] Illich, I. Némésis médicale. (Op. cit. p. 675)
[72] Illich, I. Ib. (p.680)
[73] Une conception exclusivement quantitative permettrait par exemple la récupération des principes du mouvement de la "décroissance" par le système hégémonique: les ressources libérées par les uns peuvent être récupérées par les autres dans les marges des objectifs de réduction. De même pour la justification théorique du marché de carbone: si le but est seulement celui de diminuer en un certain pourcentage les émissions de CO2, les échanges de quotas seraient admissibles. À la limite, l'instauration de dictatures écocratiques pourrait être justifiée.
[74] Dans La Fin du Développement, François Partant parle de instaurer d'autres rapports sociaux et internationaux, faute de quoi l'humanité demeurera déchirée avec des moyens techniques d'une croissante efficacité pour s'autodétruire. (Op.cit. p. 14 )
[75] Contrairement à quelques uns de ses amis, comme par exemple Paul Goodman "anarchiste aux os rouges" comme nous le rappelle Jean Robert
[76] Illich, I. Illich, I. Némésis médicale. (Op. cit. p. 675)
[77] Illich, I. (1978) La langue maternelle enseignée. Dans Dans le miroir du passé. (Op. cit. p. 832)
[78] Illich I.(1973) La convivialité. Ed. du Seuil, 2003 (réed.) (p. 38)
[79] Ib. p.31
[80] Ib. p. 45
[81] Ib. p. 27
[82] Ib. p. 13
[83] Ib. p. 28
[84] Illich, I. Oeuvres Complètes. Volume I (p.377)
[85] Illich, I. (1971) Une société sans école. (Op.cit. pp. 311-315).
[86] Illich, I. Libérer l'avenir. Dans Oeuvres Complètes. Volume I. (Op. cit. p. 202)
[87] Illich, I. (1971) Une société sans école. (Op.cit. p.287).
[88] Illich, I. Silence is a common / Le silence fait partie des communaux. Dans Oeuvres Complètes. Volume II. (Op. cit. p.747)
[89] Ib. (p.754)
[90] Illich, I. (1971) Une société sans école. (Op. cit. p. 298).
[91] Ib. ( p.307).
[92] Ib. (p.326).
[93] Partant, F. (1982) La fin du développement. Naissance d'une alternative? (Op. cit. p. 223).
[94] Illich, I. (1988) L'histoire des besoins. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 73-74)
[95] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La perte des sens (Op. cit. p.244)
[96] Ib. (p.237)
[97] Ib. (p.233)
[98] Illich, I. (1988) L'histoire des besoins. Dans La perte des sens (Op. cit. p.73-74 )
[99] Illich, I. (1994) La sagesse de Leopold Kohr. Dans La perte des sens (Op. cit. p.243)
[100] Voir le mythe des titans Prométhée et Epiméthée dans Protagoras (320c-322c) L'homme nu et dans Hésiode, La théogonie (535-615) et Les travaux et les jours (45-105) .
[101] Voir chapitre # . Hybris et Némésis. Pour les grecs, hybris était la démesure qui déséquilibrait l'ordre cosmique et qui était punie par Némésis (Grimal, 1981, 375 - Garrigós) Voir plus de détails dans l'article Convivencialidad…
[102] Illich, I. (1971) Une société sans école. Dans Oeuvres Complètes. Volume I. (Op. cit. p. 338)
[103] Garrigós, A. dans Hoinacki, L.et Mitcham, C. Ed. The Challenges of Ivan Illich. (Op. cit.)
[104] Illich, I. (1971) Une société sans école. (Op.cit. pp. 347-348)
[105] (imaginaire de la vulnérabilité, de l'insécurité, de la méfiance, des déterminismes technologiques, de l'homologation et la délégation)
[106] Illich, I. (1988) H2O, les eaux de l'oubli.Dans Oeuvres Complètes. Volume II. (Op. cit. p. 471)
[107]En cela, Ivan Illich et François Partant se rejoignent étroitement.
[108] Illich, I. (1971) Libérer l'avenir. Dans Oeuvres Complètes. Volume II (Op. cit. p. 93)
[109] Illich, I. (1973) La convivialité. (Op. cit. p.29). Dans son article La loi contre la loi, publié dans Esprit 7-8 (1973) (op.cit.) Boaventura de Sousa Santos analyse le rôle de la loi dans la démarche vers un avenir convivial.
[110] Ib. (p.29-30)
[111] Ib. (p. 33)
[112] Ib. p.33
[113] Voir Illich, I. (1980) Pour un découplage de la paix et du développement. Dans Dans le miroir du passé . Oeuvres Complètes Volume II (Op.cit. pp.711-723)
[114] Illich, I. (1998). La culture de la conspiration. Dans La perte des sens. (Op. cit. p. 348)
[115] Illich, I. La perte des sens. (Op. cit. p. 61)
[116] Ib. (p.58)
[117] Illich, I. (1993) Surveiller son regard à l'âge du " show ". Dans La perte des sens. (Op. cit. p. 191)
[118] Ib. p. 195)
[119] Illich, I. (1995) Passé scopique et ethique du regard. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 288)
[120] Ib. (p. 322-323)
[121] Ib. (p.322-23 ?)
[122] Illich, I. La sagesse de Leopold Kohr. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 162).
[123] Illich, I. (1994) La perte des sens (Op. cit. p. 7).
[124] Illich, I. (1998) La culture de la conspiration. Dans La perte des sens (Op. cit. p.343)
[125] Illich, I. (1994) Soins médicaux pour systèmes immunitaires. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 266).
[126] Illich, I.(1993) Hommage d'Ivan Illich à Jacques Ellul. Dans La perte des sens (Op. cit. p. 162).
[127] Illich, I. Oeuvres Complètes. Volume II. (Op. cit. p. 22)
[128] Partant, F. (1982) La fin du développement. Naissance d'une alternative? (Op. cit.)
[129] Ib. (p. 98)
[130] Ib. (p. 15)
[131] Ib. (p.46)
[132] Ib. (p.159-160)

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